TAKEMITSU TORU

TAKEMITSU TORU

TAKEMITSU T 拏ru 1930-1996

Figure dominante de l’école japonaise de composition, cet autodidacte a puisé ses racines dans la musique française du début du XX^e siècle, réalisant une délicate synthèse entre sa propre culture et cette poésie des sons qu’il affectionnait particulièrement chez Debussy, Ravel ou Messiaen.

Né à T 拏ky 拏 le 8 octobre 1930, il passe son enfance en Mandchourie. De retour au Japon, il commence des études de composition avec Yasuji Kiyose et Fumio Hayasaka, mais c’est seul qu’il acquiert l’essentiel de sa formation. En 1951, il fonde à T 拏ky 拏, avec quelques autres musiciens, poètes et peintres, le Jikken K 拏b 拏 (Atelier expérimental), qui cherche à réaliser une synthèse entre les modalités japonaises traditionnelles et les moyens d’expression modernes. La création de son Requiem pour orchestre à cordes, en 1958, le révèle au monde entier. Cette même année, il remporte le prix Italia avec Tableau noir , pour récitant et orchestre. Les distinctions se succèdent, et, en 1965, il est couronné par la Tribune internationale des compositeurs de l’U.N.E.S.C.O. pour Textures , pour piano et orchestre. C’est l’époque où il rencontre John Cage et s’enthousiasme pour sa musique. Il compose Arc Part I (1963) et Arc Part II (1964-1966), pour piano et orchestre. Peu après, il découvre la musique de son pays et s’initie à ses traditions complexes: «J’ai analysé les différences entre les cultures, et avec d’autant plus d’attention qu’elles étaient en moi et que je les vivais.» Le premier résultat tangible de cette mutation est November Steps , partition commandée par l’Orchestre philharmonique de New York pour son 125^e anniversaire (1967), créée sous la direction de Seiji Ozawa. C’est une étape importante dans sa carrière; outre la consécration que représente une telle commande, Takemitsu fait intervenir dans l’orchestre symphonique occidental deux instruments traditionnels japonais, le luth biwa et la flûte à bec shakuhachi, démarche qu’il reproduira avec la même nomenclature dans Automne (1973). En 1970, il conçoit le Space Theater pour l’Exposition universelle d’ 牢saka. Un an plus tard, la France lui rend hommage à son tour dans le cadre de la Semaine internationale de musique contemporaine de Paris.

Au Japon, il est devenu une personnalité essentielle du monde musical. Nommé directeur artistique du théâtre Seibu, à T 拏ky 拏, il y organise, à partir de 1973, le festival Music Today. De nombreux festivals lui sont consacrés, et, en 1976, il reçoit le prix Otaka pour Quatrain , une œuvre qui reprend la nomenclature inusitée du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen (clarinette, violon, violoncelle et piano, avec orchestre dans sa première version). En 1978, il organise à Paris une série de concerts de musique japonaise traditionnelle et contemporaine dans le cadre du festival d’Automne. Il est appelé à donner des cours et des conférences dans les principales universités américaines: Yale (1975 et 1983), université de Californie à San Diego (1981), Harvard, Boston, etc. En 1983, il est compositeur résident au festival de musique du Colorado, en 1984 au festival d’Aldeburgh, en 1986 à celui de Tanglewood. À la fin de sa vie, il commence à écrire un opéra, seul genre musical dans lequel il ne se soit pas encore exprimé. Ce projet restera inachevé. Il meurt à T 拏ky 拏 le 20 février 1996.

Le parcours de Takemitsu est profondément original. Avant-gardiste à ses débuts, il est marqué par l’influence de John Cage et des musiciens de Darmstadt (Stockhausen, Boulez) dans ses premières œuvres. Le langage ascétique de Webern lui permet de traduire l’atmosphère spécifique de la culture orientale sous forme de courts motifs flottants. Mais il ressent le besoin de transcender les clivages entre Orient et Occident, de s’élever au-dessus des différentes écoles. Contrairement à beaucoup de musiciens qui ont tenté ce genre de synthèse, les différentes influences qu’il revendique ne s’annihilent pas sous sa plume, elles s’enrichissent mutuellement: «fertile antinomie», dira-t-il. Aucune technique d’écriture contemporaine ne lui est étrangère, pas même l’électronique, et sa musique est inclassable. Elle est avant tout poétique, une poésie fragile, véritable magie des sons dont la fluidité des textures évoque la conception orientale du temps: «Ma musique n’a pas pour vocation de réjouir ni de consoler [...]. Ma musique est sous-tendue par la nature plus que par toute autre chose. Je voudrais, à travers la musique, investir la part anonyme du monde.» Cette nature est omniprésente dans son inspiration: A Flock Descends into the Pentagonal Garden pour orchestre (1977), In an Autumn Garden pour orchestre gagaku (1979), Spirit Garden pour orchestre (1994). Autres éléments dominants, le rêve et l’eau: Dreamtime (1981) et Dream/Window , pour orchestre (1985). En 1974, il commence à écrire une série de pièces sur la pluie, dont la plus connue est peut-être Rain Coming , pour orchestre de chambre (1982). En 1987, Yehudi Menuhin crée une pièce à la mémoire d’Andreï Tarkovski, Nostalghia . En 1990, il compose Visions pour le centenaire de l’Orchestre symphonique de Chicago. Il signe également plus de quatre-vingts musiques de films, travaillant notamment avec Kobayashi Masaki pour Harakiri (1962), face="EU Upmacr" 牢shima Nagisa pour La Cérémonie (1971) ou Kurosawa Akira pour Ran (1985). L’une de ses dernières œuvres est une sorte de concerto pour violon, guitare et orchestre, Spectral Canticle (1995), où l’on retrouve sa passion pour les fines sonorités de la guitare, qu’il avait pratiquée au début de sa carrière et dont il a enrichi le répertoire tout au long de sa vie.

On pourra consulter: A. Poirier, T 拏ru Takemitsu , M. de Maule, Paris, 1996.

Encyclopédie Universelle. 2012.